L'Odyssée
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Un jour, Ulysse quitta le camp pour aller inspecter la côte. En son absence, Euryloque s'adressa aux hommes : 
«Voulez-vous mourir de faim tandis que le bétail le plus gras que j'aie jamais vu paît tranquillement autour de vous ? Allons tuer quelques vaches. Nous offrirons les meilleurs morceaux en sacrifice aux dieux. Nous nous partagerons le reste.» 
Les marins affamés ne furent pas longs à se ranger à cet avis, et promirent que s'ils en réchappaient, ils construiraient à Ithaque un temple magnifique dédié à Hélios. Puis ils capturèrent quelques têtes de bétail, les abattirent rapidement et en offrirent les meilleurs morceaux en sacrifice aux dieux. Ils se mirent en devoir de cuire le reste pour eux-mêmes. Ulysse s'en revint alors, trop tard pour les arrêter.  Il se lamenta et reprocha amèrement à ses compagnons de n'avoir pas su tenir leur promesse. 
La malédiction des dieux fut vite évidente : les peaux des animaux abattus commencèrent à ramper dans l'herbe, la viande crue meugla aux broches. De son char, Hélios avait tout vu. 
Il raconta à Zeus et aux autres dieux le forfait dont les marins s'étaient rendus coupables. Il exigea pour les compagnons d'Ulysse eurent un prompt châtiment et menaça, s'il n'en était pas ainsi, de descendre au royaume des morts et de redonner la lumière aux ombres des défunts. 
Pendant six jours, les hommes se nourrirent de la chair des bêtes abattues. Le matin du septième jour, la mer se calma et ils purent lever l'ancre. Trinacrie disparut bientôt à l'horizon, et la mer immense s'étendit de tous côtés autour d'eux. Zeus ne retarda pas davantage le châtiment qu'il réservait aux marins. Il envoya dans le ciel bleu un nuage noir, déchaîna une tempête et enveloppa le navire dans une trombe. Le bateau chavira dans la mer écumante, et tous les marins furent précipités dans les flots. Seul Ulysse, qui n'avait pris aucune part au massacre du bétail d'Hélios, fut épargné.
Les compagnons d'Ulysse volant les troupeaux d'Hélios
Pellegrino Tibaldi 1527-1596