« Malheur à moi,» s'écria Polyphème, «ainsi la vieille prophétie s'est réalisée. L'augure m'avait dit qu'Ulysse m'aveuglerait. Je pensais qu'il s'agirait d'un homme aussi grand que moi avec lequel je me battrais. Et voilà que c'est ce minuscule individu dont la ruse me prive de la vue. Mais tu verras, Ulysse : je dirai à mon père Poséidon de te faire voyager pendant longtemps avant de te laisser rentrer chez toi seul, ruiné, sans amis et sur un bateau étranger.»
Sur ces mots, il précipita un second rocher encore plus grand dans la mer et faillit briser le gouvernail.
Les Grecs s'arc-boutèrent sur leurs rames et franchirent une fois encore les vagues déchaînées. Ils échappèrent donc au géant et rejoignirent bientôt leurs amis restés sur l'île des chèvres sauvages. Ils partagèrent leur butin et Ulysse sacrifia à Zeus le bélier sous le ventre duquel il s'était échappé. Mais le roi des dieux n'accepta pas son présent : instruit par Poséidon des malheurs de Polyphème, il prépara de nouveaux obstacles pour la suite de leur traversée.
Polyphème lançant un roc sur le bateau d'Ulysse
Polyphème par Jean-Léon Gérôme (v. 1902)