ls ne naviguaient pas depuis longtemps que de nouveau le ciel se couvrit et une tempête se leva. De furieuses rafales arrachèrent la moitié des gréements. C'est à grand-peine que les rameurs réussirent à atteindre une île voisine. Deux jours et deux nuits ils restèrent sur la plage, se reposèrent, remirent les voiles en état et redressèrent les mâts. Puis ils repartirent, espérant arriver enfin à atteindre leur patrie, mais le vent déchaîné les rejeta une fois encore sur un rivage inconnu. Ils débarquèrent donc sur la terre ferme et renouvelèrent leur provision d'eau potable.
Ulysse envoya trois marins en reconnaissance, pour apprendre qui étaient les habitants de cette contrée. Comme après un long moment ils ne revenaient toujours pas, le héros, inquiet sur le sort de ses hommes, partit à leur recherche. Il découvrit rapidement la raison de leur absence.
Ce pays était celui des Lotophages, dont l'hospitalité était fort réputée. Ils recevaient aimablement tous les étrangers et leur offraient de partager leur seule nourriture : le fruit sucré du lotus.
Quiconque avait goûté une seule fois ce mets raffiné ne souhaitait plus jamais repartir mais désirait rester dans leur contrée jusqu'à sa mort. C'est ainsi que les trois émissaires grecs étaient devenus à leur tour victimes de cet étrange charme. Ulysse dut employer la force pour les ramener avec lui et, bien ligotés, les fit installer à fond de cale. Leurs liens ne furent détachés que lorsque l'île fut hors de vue.
Après quelques jours d'une navigation paisible, les navires atteignirent la côte d'une nouvelle contrée. Un troupeau de chèvres sauvages qui couraient sur les collines donna aux Grecs l'idée d'aller chasser. Peu de temps après ils revinrent à leur camp, les sacs gonflés de gibier. Des feux furent allumés et une agréable odeur de viande grillée se répandit dans l'air. Puis les Grecs arrosèrent leur souper avec du vin pris aux Cicones.
Mais la curiosité d'Ulysse était aiguisée par un lambeau de terre entourée d'eau qui se trouvait tout près de l'endroit où ils se reposaient. Malheureusement pour lui, il ne pouvait deviner que c'était le pays des redoutables Cyclopes, des géants qui ne labouraient ni ne semaient jamais aucune graine, et qui étaient pourtant très riches.